Lundi 5 février 2018 – 2h45

Le réveil sonne. Bien loins de nos vélos, ce n’est pas d’une tente que nous sortons, mais d’un bon lit bien chaud. Ce n’est pas une polaire+doudoune que nous enfilons, mais un pantalon pied-de-poule. Ce n’est pas un vélo que nous enfourchons, mais une confortable voiture chauffée. Ce n’est pas un réchaud à gaz qui nous prépare le café, mais une bien pratique cafetière électrique. Que se passe-t-il, et surtout, où allons-nous en cette heure si matinale ?

La réponse est simple : nous allons travailler !

 

En route vers le CAP boulanger !

Car il s’en sont passées des choses depuis notre retour le 4 décembre dernier. Peut-être avez-vous suivi notre Instagram qui, contrairement au blog, continue à vivre régulièrement ? Si oui, alors vous savez probablement déjà que nous avons sauté le pas pour changer de voie en devenant boulangers en juin 2018

Inscrits à l’EISF, une école en ligne qui nous procure des cours théoriques sous forme de diaporamas, et des cours pratiques sous forme de vidéos à réaliser dans notre cuisine, nous avons également droit à signer des conventions de stages avec d’authentiques boulangeries, afin d’apprendre le métier avec des professionnels du secteur !

Récemment, nous avons donc fait le tour des boulangeries dans l’ouest lyonnais, près de chez mes parents, afin d’en dégoter une chacun. Bingo : Marine en a trouvé une à Ecully et moi à Dardilly. Et croyez-nous, si notre avancée se fait par étape, celle-ci a été un sacré morceau !!

 

Un dépucelage en bonne et due forme

Croyez-moi, cette métaphore douteuse est réaliste tant la première journée de stage pu être à la fois réjouissante, stressante et douloureuse à la fois. 

Le réveil, déjà. Marine avait la chance de commencer à 6h pour sa première semaine, mais ça n’a pas duré. À partir de la seconde, elle commençait à 4h comme moi ! Et je peux vous assurer qu’un réveil à 2h45 n’a rien d’humain : votre organisme tout entier hurle que c’est encore le milieu de la nuit, que certaines personnes ne sont couchées que depuis une heure ou deux, et qu’il faut retourner sous la couette tout de suite !! 

Mais non, pas le choix : vous traînez votre corps et votre esprit embrumés jusqu’à la cuisine où vous faites machinalement vos gestes de préparation du petit déjeuner, alors que votre estomac vous demande avec insistance « what the fuck, man ?!« . Vous vous forcez à avaler quelque chose d’un minimum consistant et équilibré, et n’oubliez pas d’embarquer dans votre sac de quoi tenir la matinée : du pain, en l’occurrence, plutôt drôle non ?

Ah oui, mettons quelque chose au clair maintenant : on dit tenir « une matinée » et vous ne seriez pas les premiers à imaginer vos matinées de travailleurs pépères, de 9h à 12h30, confortablement installés dans un fauteuil de bureau ou, au summum de votre effort physique, en train de monter un escalier une tasse de café à la main. Ne mentez pas, on était à votre place il y a un an !

Non, en boulangerie, une matinée c’est 4h-11h au mieux, 4h-13h au pire. Pas de sièges dans les fournils, pour s’asseoir il faut se mettre par terre ou attendre d’avoir terminé. Je peux vous dire que les jambes travaillent ! Et c’est physique : entre les sacs de 25 kg à porter, les pétrins remplis de quelques 100 kg de pâte à vider, puis re-remplir, re-vider, etc… Et les façonnages de centaines de baguettes, croissants et autres pains spéciaux, le corps travaille à longueur de temps. Il ne faut pas s’étonner de perdre toute motivation pour du sport en sortant du taff !

Bref, nos premières journées ont été éprouvantes physiquement, mais aussi psychologiquement, car c’est aussi un monde totalement différent dans lequel nous avons mis les pieds. Le monde où le geste prime sur le calcul. Le monde de la farine qui emplit les cheveux et les fringues, et de la pâte qui colle aux doigts. Le monde des gens qui se lèvent tôt, et croisent sur leur route les livreurs, les distributeurs de journaux, et autres pâtissiers et hôteliers… Le monde des hommes à l’humour parfois léger, souvent graveleux. Le monde des gens qui ne comptent pas leurs heures, ni les kilos soulevés. Le monde des bonhommes qui ne râlent jamais devant la difficulté, tout en faisant attention à leur position pour éviter de devoir abdiquer de la profession à 40 ans. Le monde des apprentis de 16 ans qui apprennent le métier à la dure. Le monde où les encouragements sont rares, et où ce sont les réprimandes qui vous font avancer. Le monde où on ne félicite pas, si ce n’est en gardant le silence. Le monde où on sent une pointe de méfiance vis-à-vis des gens comme nous, qui viennent d’un travail de bureau, comme s’ils avaient peur qu’on dénigre leur métier. Non les gars, on veut faire le même boulot que vous, alors détendez-vous !  

 

Le rythme qui rentre

Mais comme pour tout, faisons confiance au corps et à l’esprit qui s’habituent rapidement à ces nouvelles conditions. Le corps se muscle, non sans douleur, parfois. L’esprit s’aiguise pour retenir tout ce qu’il voit : comment calculer les quantités de pâte à faire, comment savoir si le pétrin a fini de pétrir, comment diviser la pâte à la diviseuse, comment mettre en forme les pâtons et combien de temps les laisser détendre, comment utiliser le batteur-mélangeur et la façonneuse, comment bouler sans donner trop de force et déchirer la pâte, comment lamer correctement une baguette, comment gérer la buée du four, comment espacer les pains sur le tapis, comment débaquer un pétrin sans avoir la pâte qui colle aux mains, comment calculer mentalement un taux d’hydratation de 71%, comment fleurer sans inonder, comment utiliser  le refroidisseur, comment bien nettoyer le fournil, comment ranger une chambre négative, …

Peu de choses de cette liste vous parlent ? Rassurez-vous, nous c’était pareil ! Mais maintenant on commence à se sentir du métier ; même si on fait bien pâle figure face aux gens de notre âge qui ont déjà 15 ans de boîte. On supporte mieux la crasse sur les mains. On sait mettre en forme rapidement. On sait « lamer » les pains pour qu’ils sortent beaux du four. On sait gérer un planning de boulanger qui fait ses pâtes du jour pour le lendemain, en gérant ses chambres froides et chambres de pousse. On sait savoir si une pâte est assez pétrie. Bref, on commence à se sentir utile dans un fournil.

 

Et maintenant ?

Nous terminons nos 6 semaines de stage sur Lyon avant de filer sur Grenoble où Marine a déjà trouvé le point de chute suivant ; pas moi. Nous continuons à travailler la théorie, et avons réalisé avant-hier notre premier CAP blanc (dans nos cuisines) durant lequel nous devions sortir pas moins de 6 kg de pain de tradition, pain complet, pain au lait et 36 viennoiseries ! C’est la photo que vous pouvez voir en tête de cet article !

Nous allons donc continuer les stages jusqu’au mois de juin, durant lequel aura lieu l’examen officiel de CAP, qui comportera 3 épreuves (deux théoriques et une pratique de 7h !).

D’ici là, on tachera de vous donner quelques nouvelles !

 

Ah et si vous voulez suivre un peu nos débuts de boulangers en GIF, c’est par ici : https://stagiaireboulanger.tumblr.com/